Sur la scène de notre imaginaire commun, l’amour apparaît comme un miracle. Il semble la seule force capable de subvertir la fatalité du destin, de conjurer les sortilèges du social. Dans une époque apparemment revenue de tout, cet espoir-là demeure plus vivace que jamais, comme en témoignent la littérature, le cinéma ou le théâtre, mais aussi les sites de rencontres sur Internet et même les essais des intellectuels radicaux. Dans le postscriptum de son livre consacré à La Domination masculine (Seuil, 1998), par exemple, le sociologue Pierre Bourdieu affirmait que l’amour constitue une « île enchantée » qui échappe aux rapports de force. Lui dont l’œuvre entière avait décrit les fatalités de la violence sociale, présentait ici l’amour comme une « trêve miraculeuse » qui suspend toute domination. Dix ans plus tard, le philosophe Alain Badiou, qui ouvrira le prochain Forum Philo Le Monde Le Mans, publiait un bref Eloge de l’amour (Flammarion, 2009) dans lequel il célébrait cette « déclaration d’éternité » qu’est selon lui la fidélité. Il notait : « dans le monde d’aujourd’hui, la conviction est largement répandue que chacun ne suit que son intérêt. Alors l’amour est une contre-épreuve. S’il n’est pas conçu comme le seul échange d’avantages réciproques, ou s’il n’est pas calculé longuement à l’avance comme un investissement durable, l’amour est vraiment cette confiance faite au hasard. Il nous amène dans les parages d’une expérience fondamentale de ce qu’est la différence et, au fond, dans l’idée qu’on peut expérimenter le monde du point de vue de la différence. C’est en cela qu’il a une portée universelle, qu’il est une expérience personnelle de l’universalité possible, et qu’il est philosophiquement essentiel, comme Platon en a eu la première intuition ». C’est donc à ce petit miracle de l’amour, à cette expérience de l’universel au quotidien, que sera consacré le 24ème Forum Philo Le Monde Le Mans, qui se déroulera les 16, 17 et 18 novembre 2012, sur le thème « Amour toujours ? ». Jean BIRNBAUM - Le Monde